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LE CRI DE JIHEL

                                 


Un cri sourd résonne dans la nuit, transperce les murs d'un atelier, flotte sur la ville et se déplace longuement pour atteindre notre espace de vie, à l'autre bout d'un jour qui se lève. Ce cri est celui d'un artiste décalé et un peu fou qui s'empare de la nuit pour en faire sa chose et en extraire des piques acérées contre tout ce qui ne bouge pas comme il le voudrait.

Jean Doré Maire de Montréal de passage à Paris lors d'une exposition de Jihel dans les années 80 apposa sur le livre d'or de la galerie cette phrase. "La caricature est une arme, les femmes et les hommes politiques le savent, elle permet de défendre des idées, de pourfendre des faux-semblants, de mettre en relief les plus petits travers de l'être humain et tout cela avec humour , les caricaturistes nous évitent de nous prendre trop au sérieux, merci Jihel, merci pour ton cri, merci pour tes cris, la société t'en est éternellement reconnaissante"

Jihel est un homme comme les autres, bourru parfois, gentil souvent, diplômé toujours, très diplômé mais il s'en fiche (Il dira un jour ça fait un peu bourge non ?) plein d'idées (il répondra " pas toujours bonnes, mais quoi, la création, c'est prendre le risque de se tromper, de se casser la gueule, de se relever et repartir, d'être progressiste" il y a quelques temps il aurait dit socialiste, mais les socialos l'énervent... Dessinateur politique donc injuste, partial et non objectif, d'une mauvaise foi totale, il déteste les vacances, le mauvais champagne, les cons, la famille le Pen, les voitures et l'herbe dans son pré, il adore Léo Ferré, les éclipses totales, les chats, son crayon et l'herbe dans son pré. un homme comme les autres non ?

Jihel, c'est une signature connue qui considère la création comme un rite, le rite de sa vie, il y subordonne tout ou presque. Il dira un jour " Je profite du patrimoine culturel pour me promener de Léonard de Vinci à Edvard Munch (On comprendra de la Joconde au cri) et déplacer les lignes, ces œuvres ont accumulés des désirs, des visions, je me sers de leur influence sur le subconscient mondial pour en modifier le propos, finalement je m'adosse à une image figée pour contourner mon imaginaire". Un appétit de savoir sans commune mesure lié à un talent fou, voilà la conjugaison gagnante d'un épris de liberté qui ne supporte pas d'avoir une seule vie, je le cite " Ma vie, celle là, celle que je vis maintenant est une ébauche, il m'en faudrait une seconde pour parfaire cette esquisse". Le cri de Munch va lui donner l'occasion d'enregistrer des mouvements, des dérives forcées par le temps, il va s'en servir pour capter des événements advenus et les rendre moins lisses, sa manière à lui de représenter la société, lui ajouter des angles, des saccades.

Le mot CRI reviendra aussi dans cette déclaration " J'ai un rapport compliqué avec l'argent issu de l'art, il creuse des failles dans mes créations, je les assume en délivrant ce cri qui me fait adorer MUNCH, car j'aime le spontané, l'émotionel, alors je contourne l'idée de fric en partant sur des lignes de fuite, j'aime trop l'inconnu pour me priver de ces montées d'adrénaline"

Ainsi, à travers son cri Edvard Munch traduit ses obsessions et invente ainsi le style de l’angoisse. L’effet d’enroulement du tableau agit tel un tourbillon d’angoisse et de tourments, un cercle vicieux auquel on ne peut échapper. Jihel ne fait rien de mieux que reprendre ses propres angoisses pour les transcrirent dans ses dessins, il prolonge ainsi le réel de MUNCH qui est proche par sa culture de la philosophie de Schopenhauer et surtout de Nietzsche dont le pessimisme radical l’a fortement influencé, Edvard Munch entreprend alors une série de tableaux dans lesquels rôde le thème omniprésent de la mort. Sa conception de l’humanité est d’un pessimisme effrayant. L'univers de Munch ressemble étrangement à celui de JIHEL.

Jihel est un grand admirateur de l’œuvre de Munch qui pourtant ne fait pas l’unanimité. Une attaque stupéfiante d’un critique de droite en Norvège pesta contre cette « dégénérescence », et protesta contre le fait que l’artiste percevait des fonds de l’Etat. La violence du langage utilisé n’aurait pas été déplacé parmi les nazis et leur campagne « l’art dégénéré » des années 30. Aussi, grand nombre des œuvres de Munch ont été vendu à cette époque. Néanmoins, les amis de l’artiste continuaient à le soutenir avec sa glorification de l’irrationnel et du symbolisme, perçue comme une menace du rationalisme et du matérialisme bourgeois.

Avec son tableau oppressant, Edvard Munch annonce la naissance d’une esthétique radicalement opposé à l’Académisme : l’expressionnisme, dominé par une tension psychologique introspective. Cet art de distorsions, de déformations et d’exacerbation des sentiments glorifie le style de l’angoisse et illustre le malaise de la civilisation. L’expressionnisme rejette la modernité, le progrès et la Révolution industrielle et reprend certaines notions de psychanalyse freudienne, notamment dans sa tentative d’investigation de l’Inconscient, comme Munch le fait si bien. Sa portée sera immense dans l’art occidental tout au long du XXe siècle.

Ce cri de Munch reviendra donc très souvent dans l'œuvre de Jihel, beaucoup de dessins noir et blanc de la période 70-80 ne figurent pas sur ce site, c'est un peu dommage car nous ne cernons que la période luxe dite "Couleurs" qui interférait avec la période citée plus avant pour s'étirer jusqu'en l'an 2015, année de cette étude. Dans les années 70 à 90 tout le monde n'avait pas accès à cette série "Couleurs" car basée sur des réseaux de distribution différents et complexes. En deux mots de nombreux dessins d'un série pertinente nommée "L'allégorie sociale" sortiront avec la représentation de ce cri comme un appel à la révolte. Cette série en noir et blanc était quelquefois rehaussée de couleurs au pochoir ou à la main.

Les mots qui interviendront dans ces dessins sont choisis, ils sont teintés de noir et tracent le temps en périodes de nuit, ils se réfugient dans la frustration de la jungle de son esprit pour surgir sur le papier de l'ombre en rais de lumière, on perçoit derrière trop d'envies perdues, de rêves étrangers, de gestes de danseurs, d'endormissement dans la poussière de pays visités, ces mots sont devenus cris, promesses désirées de rêves d'insurrection.

Histoire folle d'un non-événement Jihel est un parcours du vent, loin de la nuit, il vit sans visage, un souffle lourd comme un cri perdu, le cri, ce cri.

 

Alexandra KHAYVER
Créatrice d'art vivant 
Galeriste Londres of contemporary Arts.
Royaume-Uni.

https://www.facebook.com/Jihel.Etudes/photos/?tab=album&album_id=458678024316269

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