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ARTISTES
Jihel s'est entouré de toute une pléiade de chanteurs et comédiens qu'il croque à souhait, qui ne connait les multiples hommages à Brassens et Brel mais aussi Barbara, Lavilliers ou Renaud, on perçoit de suite entre ces artistes et lui, le créateur, une complicité d'idées, il faut dire que Jihel est un guetteur attentif qui traverse le monde de l'illustration en diagonale. En illustrant les chansons de Brassens, les films de Marilyn ou encore ceux de Godard il se donnait les moyens de ne pas épuiser le sujet.
JANE BIRKIN
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FERRE
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MOUSTAKI
MANSET
JIHEL ET MANSET
Deux artistes dotés d'un talent fort et qui brisent les codes établis, deux artistes qui se trouvent hors système, deux artistes qui devaient d'une manière ou d'une autre se rencontrer un jour.
Manset est un artiste bien à part avec un univers sombre et mystérieux, très loin de son public, fuyant la scène et les médias, il nous livre régulièrement ses angoisses mélancoliques.
Dans la phrase ci-dessus remplacez Manset par Jihel et vous comprendrez le pourquoi de cette attirance entre les deux créateurs et aussi ma passion à mettre en parallèle ces deux personnages attachants.
Manset, auteur, compositeur, interprète, producteur, écrivain, peintre, photographe, inconnu du grand public.
Jihel, créateur, sculpteur, imprimeur, lithographe, sérigraphe, écrivain, photographe, inconnu du grand public.
Manset est le grand frère de Jihel, son cadet de deux ans.
La poésie surannée des textes de Manset est atypique, il se place en témoin d'un monde en décomposition, observateur de la misère humaine, il nous entraîne avec ses compositions vers son paradis hypnotique.
Les illustrations, sérigraphies ou gravures de Jihel sont tout simplement superbes, amateur acharné de sa production sur le chanteur, j'ai senti de suite chez lui l'artiste qui se met en danger dans son art, il explore des gammes de couleurs infinies, partisan des techniques mixtes, il n'est pas rare de ressentir un malaise dans certaines de ses réalisations, un peu comme dans les chansons de Manset. Nous sommes devant deux artistes majeurs, il ne faut surtout pas passer à côté, il faut aller vers eux, car ces deux hommes n'aspirent pas à un large public, ils refusent de se noyer dans la masse. Nous avons à faire à deux intellectuels qui ne trichent pas, ils donnent ce qu'ils ont de meilleur en eux.
Jihel est toujours là où on ne l'attend pas et il semble prendre un malin plaisir à se mettre en situation de recevoir des coups, cette face cachée de la "provoc" héritée de Mai 68. Il peut tout de même se vanter d'avoir avec l'âge su cultiver l'art de la polémique par ses dessins bien sur, mais surtout par ses écrits, on sent très vite un auteur réfugié dans un idéal philo-sentimental tellement sophistiqué qu'il en devient presque démodé, ce qui à mon goût le rend éminemment sympathique.
Manset et Jihel sont des passeurs, ils nous donnent la plus belle des leçons de vie, cette force de séduction qu'est la simplicité. Insaisissables et effacés ils s'écartent des lieux communs pour mieux appréhender leur propre existence. Ils sont des regards lointains dans leurs façons de voir les choses, ils possèdent cette fièvre qui repousse l'agonie bien au delà de la création, ils sont vivants en nous, en moi.
En disséquant et voulant inventorier l'œuvre de ces deux artistes, peut-être que je n'explique rien du tout, mais au moins cela m'oblige à me confronter à eux, à essayer de percer ce flou qui les entoure.
J'ai une perception de Manset qui fige mon idée de la vie, inconsciemment je pense aux gestes lents d'un danseur dans des rais de lumière, pour Jihel je perçois une architecture sans fin, un projet théâtral qui relie l'origine et la destination.
Ces deux artistes sont des indiens issus de réserves lointaines, ils enchantent mes espaces douloureux d'écriture, je puise en eux les ressources du fonctionnement de ma pensée, je reviens toujours vers eux, c'est presque automatique. Inutile de préciser que c'est plus facile de retrouver Manset, c'est beaucoup plus long et surtout plus obscur avec Jihel car il faut s'identifier et pénétrer dans sa douleur, lire et relire, je dis surlire souvent, il faut comparer, l'habiter n'est pas une chose facile.
Ils disent l'un et l'autre les fêlures de l'autre corps, comme si un décalage simultané leur donnait cette possibilité de s'interchanger pour une délocalisation totale de la perception de notre vie.
Je cherche très souvent en pensées à extraire un souvenir passé de leurs périodes associés, il y a le regard vertigineux de Manset face au visage parfait de Jihel, tout se passe bien, la musique gronde sous la plume qui crisse, une scène où les acteurs se figent, et moi en voyeur un peu fou de ce déclenchement du ressentir depuis l'intérieur de l'autre. Manset est le corps de l'activité consciente, Jihel reste l'esprit de la forme dans la préfiguration de l'attente.
En somme nous sommes là devant deux artistes marginaux, iconoclastes et étranges, enfin quoi, indispensables.
Florent MISHKAN
Essayiste.